rédigé par Muriel-Jul Lucot
Nous devrions pourtant avoir l’habitude mais à chaque concours de plaidoirie (4ème édition cette année), nous sommes impressionnés et bouleversés par les élèves qui ont le cran de monter sur scène pour dénoncer la violation des droits humains, défendre les victimes et n’avoir peur ni des sujets complexes, ni des faits insoutenables, ni des mots pour dire l’horreur et l’injustice.
Depuis la rentrée, 19 élèves de la seconde à la terminale, ont fait partie du nouveau-né parmi les nombreux clubs que compte le lycée, le club plaidoirie mis en place par Chloé Ranson-Godin, professeure documentaliste et moi-même. L’objectif étant de participer au concours de plaidoirie mi-décembre 2023 en défendant, seul ou en binôme, une victime contemporaine d’une violation des droits humains dans le monde.
Une intervention de Gérard Raynal et d’Alain Bockel, respectivement membre et responsable du Cercle d’Action d’Amnesty International durant la première séance a permis de faire un point très éclairant sur la situation des droits dans le monde et les combats d’Amnesty. Des luttes dans lesquelles les élèves se sont reconnus puisque toutes et tous sont venus au club avec une idée précise de la cause qu’ils et elles souhaitaient défendre et ont fait des recherches approfondies. Il leur a fallu en effet maîtriser le contexte, trouver des histoires personnelles suffisamment étayées et défendre leur point de vue par une argumentation rigoureuse reposant sur le droit national et/ou international. Chloé Ranson-Godin, professeure documentaliste au lycée, Alexandra Riguet, journaliste et documentariste et moi avons accompagné les élèves dans cette étape lors des séances du club chaque jeudi. Alexandra Riguet, qui a réalisé plusieurs documentaires au sujet d’adolescents, a eu un rôle crucial auprès des élèves pour leur permettre de s’exprimer au plus près du message qu’elles et ils souhaitaient faire passer.
Si les mots sont une composante fondamentale de la plaidoirie, la façon de les dire, de les faire vivre, en est une autre. Or, les élèves du club ont eu la chance d’avoir travaillé avec trois professionnelles qui leur ont permis d’être physiquement et émotionnellement capables de monter sur scène pour livrer le message qui leur tenait à cœur. Anne-Christine Estiot, diplômée en PNL (programmation neurolinguistique) et spécialiste de la gestion du stress, a fait travailler les élèves sur la reconnaissance de celui-ci et leur a donné des outils pour qu’il ne les paralyse pas. Sophie Andriot, conteuse, leur a fait prendre conscience de leur voix, de leur regard, de leur corps et de la façon dont les mettre au service de leur message en conduisant doucement chacun et chacune un peu au-delà de ce qui lui semblait possible. Camille Geoffroy, actrice, metteure en scène et directrice de la compagnie théâtrale ‘La vie est ailleurs’, a fait répéter les élèves dans la dernière ligne droite en leur donnant des indications très précises pour qu’elles et ils puissent encore mieux faire valoir leurs arguments et transmettre leur engagement et leur intention.
Ainsi, durant les huit minutes qu’a duré leur plaidoirie, Clément a pu mettre la lumière sur les Arméniens du Haut-Karabagh, Clara a défendu les enfants victimes d’inceste quand Marion et Manon ont parlé de celles et ceux qui sont contraints de travailler. Manon a dénoncé la condition des migrants en France et Lex, celle des Ouïghours en Chine. Jules a montré que la discrimination quand ce n’est pas l’oppression subies par les homosexuels et plus largement les LGBTQIA+ étaient loin d’être vaincues tandis que Fatim et Emmie évoquaient la place difficile de celles et ceux qui détransitionnent. Lily s’est intéressée aux conditions de vie déplorables de trop d’étudiants, quant à Lola, elle nous a fait prendre conscience du combat que les lycéens handicapés doivent mener pour simplement pouvoir étudier. Karla enfin a défendu celles et ceux que les discours biaisés sur la méritocratie stigmatisent pour n’avoir pas ‘réussi’. À travers la richesse et la diversité de ces sujets, les candidats ont montré leur profond humanisme ainsi que leur ouverture au monde et à l’altérité. Les droits des femmes n’ont pas été oubliés puisque cinq plaidoiries les ont défendus à travers le sujet du droit à l’interruption volontaire de grossesse défendu par Blanche et Pauline, à travers la dénonciation de la condition féminine dans le monde par Laura et Annah ainsi que par Léana et Angéline. Louis enfin, qui avait dénoncé le harcèlement l’an dernier de façon mémorable a choisi cette année de s’indigner des féminicides.
Si nos regards se tournent souvent vers les pays étrangers pour y constater la violation des droits humains, les élèves ont eu en effet la lucidité et l’honnêteté nécessaires pour savoir regarder aussi les failles des pays développés et de la France en particulier. Lucides mais jamais cyniques, les candidats ont appelé à ce que nous agissions pour l’application des droits humains en tant qu’individus, citoyens et en tant que société.
Les choix des élèves et leur appel à nous mobiliser sont une belle illustration de la ‘Charte pour la diversité’ de la Ligue de l’enseignement, dont la déléguée générale Charente-Maritime, Florence Kehl, nous fait le plaisir de faire partie du jury du concours depuis deux ans. Cette charte repose en effet sur l’idée selon laquelle « La diversité est une force » et la Ligue de l’enseignement se propose d’« apprendre par et avec les autres », de « faire vivre la convivialité et la fraternité » ; de « construire de la solidarité et agir contre les inégalités » et de « créer un lien entre des actes à la mesure de chacun et des combats à l’échelle de l’humanité ». Lire la charte dans son intégralité : https://www.pourladiversite.fr/la-charte-pour-la-diversite
Les messages ont sans nul doute essaimé car nous avons été nombreuses et nombreux à les entendre cette année au cours des deux sessions du concours (nécessaires en raison du grand nombre de candidats). Deux cents élèves environ ont assisté à au moins l’une des deux sessions, les classes de 2nde 16, 2nde 08, 1ère 01, 1ère 02 et des élèves volontaires. Également membre du jury, le groupe 5 de 1ère en spécialité HLP (humanités, littérature et philosophie) a de surcroît réfléchi en amont avec les enseignantes de lettres et de philosophie, Sophie Hervy et Cendrine Delton, à la plaidoirie dans le cadre du programme. Les élèves ont délivré l’ensemble des prix de la 1ère session et le prix des lycéens de la 2ème session. Toutes et tous ont fait preuve d’une écoute remarquable et ont pris leur rôle très au sérieux, prenant des notes, débattant et pesant les qualités saillantes de chaque plaidoirie : le sujet, l’argumentation, le droit, la conviction, l’éloquence ?
Comme depuis la 1ère édition, les candidats ont la chance d’être entendus également par un jury composé d’adultes issus de la société civile, de l’Éducation nationale et d’organisations de défense des droits humains.
Nous sommes très reconnaissants à Martine Bézagu, Coordinatrice départementale en action culturelle https://ww2.ac-poitiers.fr/dsden17-pedagogie/spip.php?rubrique4 ; Christine Bonnin, agent régional au lycée Vieljeux ; Jacques Catrin, longtemps membre de la Ligue des Droits de l’Homme https://www.ldh-france.org/ ; Florence Kehl, Déléguée Générale de la Ligue de l’enseignement Charente-Maritime https://laligue17.org/ ; Gaëlle Letourneur, Professeure documentaliste au lycée Vieljeux ; Gérard Raynal, Membre d’Amnesty International https://www.amnesty.org/fr/ ; Jérémy Sternbach, Référent jeunesse, bassin de La Rochelle ; Alfred Tudeau, Président du Club UNESCO de La Rochelle https://www.clubunesco-larochelle.fr / et Juliette Maissin, ancienne élève du lycée Vieljeux et lauréate du prix des lycéens au concours de plaidoirie en janvier 2022 de consacrer du temps à ce concours.
Toutes et tous se disent ravis de participer à ce concours pour y entendre les élèves et attribuer les prix sous la présidence de Maître Christine Teisseire, avocate au Barreau de La Rochelle et ancien bâtonnier. Maître Teisseire nous fait l’honneur et le plaisir non seulement de présider le jury mais aussi d’être venue parler de sa profession avec les élèves du club en septembre et depuis l’an dernier, d’attribuer le Prix spécial de la Présidente du jury. Ce prix s’accompagne pour le, la ou les lauréats d’une immersion d’une semaine au sein du cabinet d’avocats BRT à La Rochelle. Louis Labussière a ainsi pu découvrir l’an passé le métier d’avocat dans toutes ses dimensions et garde un souvenir inoubliable de la façon dont il a été accueilli et des expériences qu’il a vécues durant ces quelques jours.
Membres du jury, enseignants accompagnant leur classe, Monsieur Tirel, proviseur du lycée, Monsieur Deniaud, proviseur-adjoint et les élèves présents ont été impressionnés par la teneur des plaidoiries, leur richesse, leur profondeur et parfois, leur audace. Toutes et tous ont relevé le courage nécessaire pour se présenter devant un public nombreux, faire preuve de conviction et tenir des propos engagés et parfois difficiles. Beaucoup ont été émus voire secoués par les plaidoiries. Nous toutes, encadrantes et intervenantes, qui avons suivi et accompagné les élèves dans les activités et des ateliers du club plaidoirie, sommes très admiratives et nous sentons privilégiées d’avoir été les témoins du chemin parcouru par ces élèves en quatre mois.
Chaque candidat et candidate a reçu des livres qui nous ont été donnés par les librairies de La Rochelle (voir les logos de nos partenaires ci-dessous) et seize élèves, candidats cette année et/ou l’an passé, iront pour trois jours en voyage scolaire à Caen du 13 au 15 mars prochain pour y être jury du Concours national de plaidoirie des lycéens du Mémorial de Caen. Pour l’avoir déjà vécu avec des élèves, nous savons que ce sera une expérience très riche de participer au concours national tout comme de visiter le Mémorial et les lieux du débarquement. (Remarque : les élèves qui ne participent pas au voyage ne le souhaitaient pas ou bien ne pouvaient pas en raison de leur participation à un autre voyage scolaire). En savoir plus sur le concours national : https://www.memorial-caen.fr/evenements/concours-de-plaidoiries-des-lyceens-2024/
Monsieur Tirel, proviseur du lycée Léonce Vieljeux, soutient ce concours et nous a permis cette année pour la 2ème fois de nous rendre à Caen pour le concours national. Nous l’en remercions et cet indéfectible soutien nous permet d’ores et déjà de donner rendez-vous aux élèves que les droits humains intéressent, dès septembre 2024 au club plaidoirie !